AUTOMOBILE - Industrie

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Le dernier quart du XXe siècle place l’industrie automobile mondiale devant des défis sérieux et de nature très diverse: les chocs pétroliers, la concurrence japonaise, la protection de l’environnement et l’élargissement de l’Europe apparaissent comme les plus significatifs. Tous les domaines de l’industrie se trouvent affectés, depuis la conception des véhicules jusqu’à leur commercialisation et à leur utilisation, en passant par leur mode de fabrication. L’importance des enjeux conduit à regarder dans un premier temps les grandes évolutions chiffrées (immatriculations et productions mondiales); seront examinées ensuite les forces en présence, principalement le Japon, l’Amérique du Nord et l’Europe; il faudra enfin évoquer les mutations du système en cours, relatives notamment au processus de production et à l’emploi.

Les données chiffrées

Les immatriculations

Le tableau 1 met en évidence les traits principaux de l’industrie automobile. Le marché mondial des voitures particulières poursuit, au début de la décennie de 1990, une croissance à un rythme sensiblement égal à celui des cinq années précédentes: + 2,2 p. 100 contre + 2,3 p. 100. L’estimation du nombre d’immatriculations pour 1995 s’élève à 39,3 millions.

Les variations annuelles moyennes relatives à l’Europe et au Japon doivent prendre en compte une année 1985 relativement faible et une année 1990 relativement forte. La tendance inverse s’observe aux États-Unis.

Le taux de croissance le plus élevé de 1990 à 1995 concerne le bloc Asie-Océanie (hors Japon), l’Afrique et l’Amérique latine. Pour ces deux dernières zones, une marge d’incertitude subsiste, liée à l’évolution des environnements macroéconomiques (P.N.B., consommation, investissements); en 1995, plus de quatre voitures sur dix continueront à être achetées en Europe (43,5 p. 100), contre moins du tiers en Amérique du Nord (29,8 p. 100) et près du cinquième (18,3 p. 100) en Asie-Océanie.

La production

Dès 1987, la production japonaise de voitures (7,9 millions d’unités) a dépassé celle des États-Unis (7,1 millions). En 1995, la part de l’Europe occidentale devrait se maintenir au-dessus de 35 p. 100, alors que celle des États-Unis resterait confinée en deçà de 20 p. 100.

De 1990 à 1995, la part relative du Japon devrait diminuer légèrement, de 23,6 p. 100 à 21,8 p. 100, contrairement à celle des pays du Sud-Est asiatique, dont la Corée du Sud où la production dépasserait 2 millions de véhicules en 1995 contre 1,2 million en 1990.

Les taux de croissance relativement élevés attendus dans le cas de l’Afrique et de l’Amérique latine se réfèrent à des niveaux absolus encore faibles, en Afrique notamment.

Les forces en présence

L’offensive du Japon

De 1973 à 1986, les exportations japonaises ont progressé de 1,45 million à 4,57 millions de voitures. La hausse du yen ainsi que les réactions à caractère défensif observées dans de très nombreux pays ont par ailleurs forcé les constructeurs d’automobiles nippons à expatrier certaines de leurs unités de production.

Une première conséquence de cette situation est la présence japonaise en Amérique du Nord.

Les implantations d’usines japonaises se sont faites en deux étapes (tabl. 2).

La première phase a débuté en 1982 par l’installation du constructeur Honda à Marysville, dans l’État de l’Ohio, puis par celle de Nissan en 1983 à Smyrna dans le Tennessee. Elles ont été suivies par la création, en 1984, de la N.U.M.M.I. (New United Motor Manufacturing Inc.), filiale de Toyota et General Motors, à Fremont, en Californie.

La seconde étape, à partir de 1987, a vu notamment la mise en valeur des liens déjà existants entre les firmes nippones et américaines. C’est le cas de l’usine Mazda dans le Michigan (Ford détient 24 p. 100 du capital de Mazda), et de la Diamond Star Motors Co., créée à parts égales par Chrysler et Mitsubishi et dont la production de Bloomington est commercialisée, comme la précédente, par les deux sociétés (Chrysler possède 12,1 p. 100 du capital du Mitsubishi Motors). General Motors et Suzuki (le premier dispose de 3,9 p. 100 du capital du second) produisent en commun, depuis la fin de 1989, dans leur usine de l’Ontario, 120 000 petites voitures (modèle Geo Metro ou Suzuki Cultus) et 80 000 véhicules tout terrain (modèle Geo Tracker ou Suzuki Escudo).

Dans le même temps, Honda et Toyota ont multiplié leurs installations, alors que Fuji Heavy Industries et Isuzu ont entamé, dans leur unité conjointe de l’Indiana, l’assemblage de voitures et de breaks Subaru, et de pick-ups et de troopers Isuzu. De son côté, Nissan a construit en liaison avec Ford, dans son usine d’Avon Lake, un monospace: la Nissan Prairie.

Des calculs effectués par le General Accounting Office de Washington, organisme officiel américain, évaluent la production des trois «grands» (General Motors, Ford et Chrysler) à 8,8 millions de véhicules pour 1990 et celle des constructeurs nippo-américains à 1,8 million, soit 17 p. 100 du total. Pour les premiers, l’approvisionnement auprès des équipementiers américains est de l’ordre de 89 p. 100, en réduction par rapport aux 93,5 p. 100 de 1985, alors que, pour les seconds, il s’établit à 67,5 p. 100 (54,5 p. 100 seulement en 1985). Néanmoins, une grande partie de ces approvisionnements émane de fournisseurs japonais établis dans la mouvance parfois directe des constructeurs nippons.

Un autre problème majeur posé à l’industrie automobile est la présence japonaise en Europe.

À la fin des années 1980, le quart environ des exportations de voitures japonaises ont été destinées à la Communauté économique européenne (C.E.E.), et un peu plus du tiers à l’Europe entière. En parts de marché, la pénétration nippone a représenté 11 p. 100, soit 1,5 million de voitures sur un marché global de 13,5 millions (1989).

La présence japonaise dans les immatriculations varie très sensiblement d’un pays à l’autre. Insignifiante en Espagne et en Italie, la proportion avoisine ou dépasse les 30 p. 100 dans les pays non constructeurs, tels que la Suisse, la Grèce, la Norvège et la Finlande. La conquête de ce marché européen a commencé dans le courant des années 1970; cependant, des dispositions ont été prises durant la décennie de 1980 pour tenter de contenir l’avancée nippone: par exemple, les immatriculations japonaises ne peuvent dépasser 3 p. 100 du marché français et 11 p. 100 du marché britannique. Aussi, comme aux États-Unis, les implantations d’usines ont-elles été considérées, par les constructeurs japonais, comme le biais indispensable à leur présence sur le marché européen. Elles ont principalement concerné l’Espagne et le Royaume-Uni (tabl. 3).

Dans la péninsule Ibérique, Nissan contrôle environ 66 p. 100 du capital de Nissan Motor Iberica; l’accord a été conclu en 1980, au moment où la firme espagnole connaissait des difficultés sérieuses. Des véhicules utilitaires légers sont construits notamment à Barcelone (modèles Patrol, Vanette), ainsi que des camions Ebro. Pour la période de 1989 à 1992, Nissan investit 100 milliards de pesetas, dont 30 milliards pour la production, en commun avec Ford España, d’un véhicule tout terrain (50 000 unités par an). D’un autre côté, Suzuki détient 32 p. 100 du capital de Land Rover Santana; aux termes d’un accord signé en 1982, la société espagnole produit des Suzuki SJ et Vitara, avec l’objectif final d’une production locale de 85 p. 100. Enfin, à défaut d’une convention sur l’assemblage d’un véhicule utilitaire léger, Mercedes-Benz assure l’importation des véhicules Mitsubishi en Espagne.

Avec une industrie automobile en déclin accéléré, le Royaume-Uni a profité de l’offre japonaise pour reconstituer son appareil productif. Les 20 p. 100 détenus par Honda dans Rover ont entraîné la mise au point et la production en commun de plusieurs modèles: Rover 800 et Honda Legend, Rover 200 et Honda Concerto. Par ailleurs, les liens financiers existant entre General Motors et Isuzu ont trouvé leurs prolongements en septembre 1987 dans la création de I.B.C. Vehicles (Isuzu Bedford Commercial Vehicles), qui assemble, dans l’ancienne usine Bedford de Luton, près de Londres, des Isuzu WFR et des Suzuki SK 410. Ces deux modèles sont respectivement commercialisés en Europe sous le nom de Midi et de Rascal par G.M.E. (General Motors Europe). De leur côté, Nissan et Toyota procèdent à des investissements directs, avec des objectifs ambitieux: 200 000 voitures produites par an pour chacune des firmes, avec doublement éventuel à l’approche de 1995.

De la sorte, la production annuelle des usines japonaises implantées en Europe pourrait s’établir, au-delà de 1995, à 1 835 000 véhicules, soit plus que la production de Renault en 1989 (1 717 000). Le risque de surcapacité et les conséquences négatives pour l’emploi donnent alors au problème des répercussions politiques. Au libéralisme des responsables communautaires de Bruxelles, facteur de progrès technologiques rapides selon eux, s’oppose la prise de position d’industriels de plus en plus nombreux en faveur d’une limitation, déjà en cours, des immatriculations japonaises en Europe, y compris celles qui proviennent des usines locales. La définition, par la Commission européenne d’une politique commerciale, industrielle et sociale commune, est en jeu, alors même que la perspective d’un marché unique de 320 millions de consommateurs facilite la stratégie japonaise en Europe.

Les trois géants américains: General Motors, Ford et Chrysler

Du fait des risques non négligeables de surcapacité – de 1 million de véhicules fabriqués en Amérique du Nord en 1989, la production nippone atteint environ 2,5 millions dès 1992 –, les trois géants américains ont été amenés à accélérer leur programme d’assainissement. Les domaines affectés se révèlent très divers.

Réduction des coûts . À la fin des années 1980, General Motors a lancé un programme de quatre ans pour réduire de 13 milliards de dollars les 88 milliards de dépenses d’exploitation. Le seul départ de 43 000 «cols blancs» a permis d’économiser 2 milliards de dollars.

Automatisation du processus de production . General Motors, par exemple, a dépensé 50 milliards de dollars au cours de la décennie de 1980 pour la modernisation et le remplacement de certaines usines obsolètes. Son projet Saturn a toutefois été revu à la baisse, avec une production de 250 000 voitures par an contre 500 000 prévues initialement.

Réduction des gammes de produits offerts . La grande diversité des modèles a en effet conduit les constructeurs à produire des séries trop limitées, donc coûteuses. D’autres créneaux, notamment celui des véhicules utilitaires légers, sont par contre envisagés: Ford Ranger, Chrysler Voyager.

Abandon de certaines filiales, notamment aérospatiales . Au début de 1990, Ford cherche à céder sa filiale aérospatiale (Ford Aerospace), alors que Chrysler engage avec Mitsubishi Heavy Industries des pourparlers sur la cession de ses trois filiales aéronautiques: Gulf Stream, Electrospace et Airbone System.

Multiplication des accords de coopération , y compris avec les autres constructeurs américains. Les trois géants effectuent ensemble des recherches dans le domaine des matériaux composites; Chrysler et General Motors en font de même pour la fabrication conjointe d’organes de transmission.

Par ailleurs, implantés en Europe juste avant la Seconde Guerre mondiale – au moins en ce qui concerne Ford et General Motors –, les constructeurs américains ont participé activement au développement de l’industrie automobile du Vieux Continent depuis 1945. Les chances d’élargissement du marché qui s’annoncent pour la décennie de 1990 les incitent donc à accentuer leurs efforts.

Ford et General Motors font partie des six qui, avec Fiat, Volkswagen, P.S.A. (Peugeot S.A.) et Renault, se partagent chacun entre 10 et 15 p. 100 du marché européen. Ils multiplient leurs échanges de pièces et de véhicules avec le Royaume-Uni, la R.F.A. et l’Espagne, pays dans lesquels ils disposent de pôles de production importants. En Belgique, les installations de Ford et de General Motors sont principalement des chaînes de montage. Toutefois, au début des années 1990, les États-Unis essaient de développer leurs exportations vers l’Europe.

En novembre 1989, Ford a pris, au moyen d’une O.P.A., le contrôle de la firme britannique Jaguar et assure de la sorte sa présence sur le marché des voitures de luxe. Un accord a été passé avec Nissan Motor Iberica en vue de la production d’un véhicule tout terrain et un autre avec Mazda pour la construction de 120 000 voitures par an en R.F.A. Des contacts ont été également pris avec Volkswagen pour produire un modèle monocorps.

Le 1er janvier 1990, la Saab Automobile A.B., société dont General Motors détient la moitié des parts, est entrée en exercice. La firme américaine renforce de la sorte sa présence sur le marché européen haut de gamme, alors que des accords sont prévus dans d’autres domaines, comme ceux de l’aéronautique et de l’électronique du secteur automobile. Le principe de l’enrichissement de la gamme Saab est retenu, avec notamment des modèles à quatre roues motrices, et le transfert d’une partie de la production d’Opel (modèle coupé Calibra) dans l’usine Saab de Finlande installée à UusikaupunkiNystad est par ailleurs décidé. Des capacités sont ainsi dégagées par l’usine allemande de Rüsselsheim, permettant une accélération des cadences de production de l’Opel Vectra.

Dès avril 1987, Chrysler a, de son côté, racheté le constructeur italien Lamborghini et entrepris, en 1990, la construction d’une usine en Italie du Nord pour produire un nouveau modèle d’une valeur inférieure à 100 000 dollars de 1989 (200 000 dollars pour la version Diablo). Par ailleurs, en Autriche, une société conjointe avec Steyr-Daimler-Puch est constituée et assemble, à partir de 1991, le monospace Chrysler Voyager. Enfin, un accord est passé avec Renault pour un petit véhicule utilitaire tout terrain fabriqué simultanément aux États-Unis et en Europe, dès 1992, au rythme annuel de 100 000 unités. Inversement, le réseau Renault poursuit la distribution de la gamme Jeep en France, en Italie, en Espagne et au Portugal.

Les constructeurs européens

L’Europe constitue le grand enjeu de la décennie de 1990 pour l’automobile. Si les chances de développement restent intactes avec l’avènement du marché unique et l’extension de la motorisation en Europe du Sud et dans les pays de l’Est, les risques de surcapacité n’en demeurent pas moins réels, avec l’offensive japonaise, comme on l’a déjà souligné. Aussi les accords entre les firmes européennes se multiplient-ils, y compris dans le secteur des poids lourds, un des points forts du Vieux Continent.

La période d’absorption pure et simple d’une société par une autre semble révolue, comme en témoigne l’accord Renault-Volvo de 1990, par lequel chacun a montré le souci de préserver son identité. Le système de participations croisées mis au point pour les voitures, d’une part, et pour les camions, d’autre part, doit favoriser la rationalisation des achats de machines et d’équipements, ainsi que le développement des modèles.

Parmi les coopérations de forme industrielle, nombreuses sont celles qui concernent la conception et la fabrication de boîtes de transmission. Ainsi, depuis 1988, la même boîte automatique électronique équipe les Renault 21, 25 et les Volkswagen Passat. Si Volkswagen fournit à Rover des boîtes à cinq vitesses destinées aux Austin Montego, la firme britannique a acquis de P.S.A. la boîte de vitesses M.A., qui est montée depuis 1989 sur la Rover 200. D’autres accords entre Peugeot, Renault et, jusqu’en 1989, Volvo portent sur la construction de moteurs.

Dans le domaine des véhicules utilitaires légers, la collaboration de Peugeot S.A. et de Fiat pour les moteurs Fire et, par l’intermédiaire de la Sevel (Société européenne de véhicules légers), pour les Citroën C25, Peugeot J5 et Fiat Ducaro – il s’agit du même véhicule – est généralement citée en exemple alors qu’Iveco fournit, par le biais de la Sofim (Société franco-italienne de moteurs), des moteurs Diesel pour les Renault Trafic et Master ainsi que pour des véhicules de la gamme B de 3,5 à 6 tonnes. Au début de 1990, Renault a pris par ailleurs contact avec D.A.F. (Doornse Automobiel Fabriek), en vue du remplacement, au milieu de la décennie de 1990, des Trafic, des Masters et des D.A.F. 400. Ces derniers disposent, depuis 1989, de moteurs Diesel et de boîtes de vitesses P.S.A. Enfin, Steyr-Daimler-Puch met au point les versions quatre roues motrices (4 憐 4) de modèles de plusieurs firmes. Fiat, Mazda, P.S.A. et Renault, quand il n’assemble pas lui-même des véhicules légers 4 憐 4 comme le Volkswagen Transporter Syncro.

La plupart des accords passés avec des firmes nippones visent à faciliter la commercialisation de véhicules européens au Japon. P.S.A. distribue les véhicules Citroën avec le réseau Mazda et écoule les Peugeot 205, 309 et 405 avec les réseaux Rover et Suzuki. Dans le même esprit, Mercedes a créé avec Mitsubishi une société conjointe de vente, destinée aussi bien aux voitures qu’aux véhicules utilitaires. Sur le plan industriel, Nissan assemble la Volkswagen Santana, avec les moteurs, les boîtes de vitesses et les pièces de châssis en provenance de R.F.A., tandis que Volkswagen monte dans son usine de Hanovre des Toyota Hi-Lux, baptisées Taro.

Le regroupement dans le secteur des poids lourds

La perspective de dérégulation du transport routier européen (ajustement des licences sur le plan européen) et la très sévère guerre des prix ont amené les constructeurs de poids lourds à rechercher la fameuse taille critique. Dès 1986, la société Iveco Ford Truck Ltd. a été chargée, pour le Royaume-Uni, de la production du Ford Cargo et de la commercialisation du Cargo, du Transit à empattement long et des camions Iveco de gamme complémentaire. Depuis 1987, D.A.F. a pris le contrôle de la société britannique Leyland Trucks, alors que Leyland Bus a été reprise, l’année suivante, par Volvo. En 1989, tout en poursuivant avec Volkswagen la fabrication et la commercialisation d’une gamme d’utilitaires de 6 à 9 tonnes de poids total, la firme allemande M.A.N. (Maschinenfabrik Augsburg Nürnberg) a repris, à raison de 80 p. 100, l’activité de production des camions Steyr (Autriche). À la fin de la même année, le capital de la société espagnole Enasa a été cédé à M.A.N. (60 p. 100) et à Mercedes-Benz (20 p. 100), le premier étant responsable des véhicules Pegaso de plus de 7,5 t et le second des 7,5 t et moins. Ces mouvements, d’après plusieurs observateurs, en annoncent d’autres, tout aussi importants: Scania, Volvo, D.A.F. et Renault V.I. sont prêts à conclure, chacun de son côté, des alliances plus ou moins importantes, alors que l’américain Navistar (ex-International Harvester) exprime clairement son intention de revenir s’établir en Europe.

Aux États-Unis, l’absence de moteurs Diesel performants au moment du second choc pétrolier en 1980 a conduit plusieurs manufacturiers à solliciter l’appui des constructeurs européens. Ainsi, depuis la fin de 1979, Renault V.I. expédie outre-Atlantique les véhicules industriels de gamme intermédiaire (de 9 à 15 t de poids total) pour être commercialisés par Mack, dont la firme française détient 44,8 p. 100 du capital en 1989. Volvo, pour sa part, a repris en 1981 les actifs poids lourds de la compagnie White et, en 1985, ceux de General Motors (classe 8 uniquement, soit 15 t et plus de poids total). Mercedes-Benz a procédé de même avec Freightliner, dès 1981. Enfin, depuis novembre 1986, les véhicules de 11 à 13 tonnes produits par Volkswagen do Brasil sont commercialisés sous les marques Peterbilt et Kenworth sur le marché nord-américain par Paccar.

Les mutations du système automobile

Le produit

Pour des raisons liées à l’évolution des ventes (avec une éventuelle saturation de certains marchés), à l’économie (par le renchérissement du budget automobile des ménages), à l’environnement (par les normes antipollution) ou à la sécurité, le produit est au centre des préoccupations des constructeurs.

Depuis le pneumatique à carcasse radiale en 1948 jusqu’à la boîte à six vitesses en 1989, en passant par le frein à disque en 1955 et par le turbo-diesel en 1978, les innovations technologiques n’ont pas manqué d’apporter à l’automobiliste plus d’efficacité, d’agrément et de sécurité. Parmi celles qui équipent déjà les modèles haut de gamme de plusieurs constructeurs, citons la suspension hydropneumatique électronique de Citroën (sur le modèle XM), le système A.B.S. (Anti-Blocking System) pour l’antiblocage des roues au freinage ou à l’accélération sur plusieurs marques et le système antipatinage A.S.C. (Anti-Skating Control) existant sur les B.M.W. et les Mercedes, enfin le moteur à quatre soupapes par cylindre déjà classique pour tous. Pour les équipements futurs, on prévoit en particulier d’installer sur les automobiles un embrayage électronique.

Les normes antipollution portent sur les trois éléments principaux: le monoxyde de carbone (CO), les hydrocarbures imbrûlés (HC) et les oxydes d’azote (NOx ). Au printemps de 1990, les normes votées précédemment pour les voitures de moins de 1,4 l de cylindrée, soit 3,16 g/km pour le CO et 1,13 g/km pour les HC + NOx , ont été généralisées à l’ensemble des catégories de cylindrées; l’adjonction d’un pot catalytique à trois voies se révèle alors nécessaire. La recherche sur le nouveau moteur à deux temps, sur le moteur électrique et sur les matériaux (céramiques) se développe. De son côté, le moteur Diesel fait l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où il émet moins de polluants, notamment d’oxyde de carbone, et où son rendement thermodynamique s’avère élevé.

Dans ces évolutions, l’électronique reste omniprésente. La part moyenne de l’équipement électronique, qui était de 30 dollars en 1980, atteindra 2 000 dollars en 1995. Seraient concernées aussi bien la gestion intégrale du moteur que celle du train roulant et de l’habitacle, sans oublier l’aide au conducteur par des affichages de repérage de circulation.

Le contrôle de gestion informatisé de la production

La révolution nippone a donné la priorité à la demande et non à l’offre. On retourne le principe: coûts + bénéfices = prix de vente, pour aboutir à la relation: prix de vente 漣 coûts = bénéfices, décrite par S. Shingo (Toyota).

De cela résulte un certain nombre de règles qui s’enchaînent: les bénéfices ne peuvent être obtenus que par la réduction des coûts, qui ne peut elle-même être réalisée que par l’élimination du gaspillage; les stocks , constituant d’énormes gaspillages, doivent être éliminés (notion de production à bon escient); le primat donné aux commandes , c’est-à-dire à la demande réelle, implique une production par petits lots et un raccourcissement considérable du délai de production; enfin, une production diversifiée et en petites quantités nécessite un renouvellement plus rapide des machines, ainsi que l’élimination des défaillances de celles-ci et des produits défectueux.

Les impératifs du «stock zéro» et du «défaut zéro» ont amené les constructeurs à structurer leur réseau de sous-traitance sur la base du principe des flux tendus, encore appelé just in time . Après sélection des fournisseurs, on fabrique ainsi ce qui est nécessaire et au moment nécessaire. Le kanban , défini comme un système d’information contrôlant harmonieusement les quantités produites dans chaque séquence de production, constitue le moyen matériel de réaliser le système en flux tendus. Dans celui-ci, l’aval commande l’amont: les demandes déclenchent les fabrications du modèle, qui détermine la commande des pièces finies, qui engendre la commande des fournitures...

Simple manipulation de fichiers de stock au début, le kanban s’informatise de plus en plus. L’ordinateur permet en effet d’accélérer, d’une part, les relations avec les fournisseurs sous-traitants et les clients et, d’autre part, le lancement de chaînes de montage au sein des ateliers. Chez Toyota, par exemple, il faut trois jours pour lancer les fabrications, contre un mois dans les années 1970.

Par ailleurs, l’automatisation des chaînes de production contribue évidemment à la flexibilité des installations et à la qualité des produits requis. Des obstacles peuvent néanmoins surgir en raison du coût élevé des installations nouvelles et un système automatisé doit rester souple vis-à-vis des produits et de sa propre évolution.

Le partenariat avec les fournisseurs

L’adoption du système en flux tendus modifie des relations entre les constructeurs et leurs fournisseurs. Il s’agit de transformer les anciennes pratiques d’achats – domination technologique et commerciale absolue des donneurs d’ordre, contrats à court terme – en relations de confiance, fondées sur la durée et sur un partage des responsabilités.

Les délégations de responsabilité sont multiples. Les fournisseurs se voient confier la conception et la fabrication de fonctions complètes: le freinage, l’électronique de contrôle, l’éclairage, la signalisation, le chauffage, la climatisation, les sièges... Cette approche modulaire structure de fait le secteur des équipements en fournisseurs de premier rang, responsables des fonctions, et fournisseurs et sous-traitants de deuxième ou de troisième rang, qui approvisionnent les premiers en pièces détachées et composants pour l’assemblage. Les équipementiers de premier rang doivent livrer des ensembles en niveau optimal de qualité, ayant réalisé eux-mêmes les contrôles. Ils sont aussi responsables de la gestion des flux de livraison pour satisfaire les contraintes de temps et la réduction progressive mais continue de leurs prix réels.

En échange de ces transferts de responsabilité, les constructeurs offrent, d’une part, des garanties de contrats d’approvisionnement à long terme – souvent pour la durée de vie d’un modèle particulier – et, d’autre part, une association étroite à leurs travaux d’études et de développement de nouveaux types de véhicules, donc une certaine assurance de continuité.

Allant jusqu’à devenir les promoteurs de nouvelles fonctions telles que les télécommunications embarquées ou les systèmes de sécurité et de protection de véhicules, les équipementiers doivent acquérir une taille suffisante. En Europe, par exemple, on observe une «débalkanisation» du secteur, l’activité internationale dépassant, pour les plus importants d’entre eux, leurs ventes nationales; par ailleurs, trois grands groupes se constituent: Bosch, Magneti-Marelli de Fiat (avec Jaeger et Solex) et le groupe Benedetti (Valeo et Neiman). Mais la dimension européenne ne suffit plus: le fournisseur doit avoir une dimension internationale, à l’exemple de Valeo qui, après avoir acquis la licence de la société nippone Mitsuba, fournit depuis 1990 entre 70 000 et 100 000 démarreurs à l’usine Rover qui fabrique les Honda Concerto.

La qualification de l’emploi

La nouvelle organisation du travail tend à rechercher une participation optimale de l’ensemble du personnel. L’enjeu consiste non seulement à assurer le bon fonctionnement de l’appareil de production mais, le cas échéant, à proposer des améliorations. On peut en dégager les traits suivants: suppression des emplois pénibles et répétitifs; qualification du personnel en remplaçant le travail à la chaîne par des méthodes japonaises (petites équipes où les opérateurs ont plus de responsabilité); valorisation des tâches; polyvalence, surtout manifeste au niveau de l’encadrement (dans un environnement où tout se joue sur les interfaces, experts et généralistes doivent animer des groupes pluridisciplinaires, en particulier les équipes qui travaillent sur les projets); gestion des compétences par la formation technique et méthodologique, par la mobilité du personnel qui permet de capitaliser savoirs et pratiques et qui représente ici une arme essentielle.

En toile de fond se profile l’impérieuse nécessité, pour l’ensemble de l’appareil de production automobile mondiale, de dégager des progrès de productivité de l’ordre de 3 à 5 p. 100 par an, pour contrebalancer la perte d’effectifs attendue chez les constructeurs et les équipementiers dans la décennie de 1990. Cette perte, étant donné le taux d’accroissement prévu de la productivité qui est à peu près du même ordre, affectera cependant moins les constructeurs que les équipementiers, en raison du transfert d’activité des premiers vers les seconds. De même, cette évolution touchera plus les ateliers que les bureaux d’études, dans la mesure où les premiers sont entrés plus tardivement dans la voie de l’informatique et de l’assistance par ordinateur.

L’importance des nouveaux enjeux de l’industrie automobile entraîne de la part des entreprises la mobilisation de moyens financiers considérables. Rapportée au chiffre d’affaires annuel, la part des investissements est passée de 5 à 9 p. 100 selon les constructeurs à la fin des années 1980; la proportion du poste de recherche et développement, supérieur à 2,5 p. 100, a dépassé les 5 p. 100 dans certains cas, notamment chez les grands constructeurs japonais.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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